En parallèle de la version écrite d'Atelier des Récits, certaines classes et professeurs ont choisi, pour vivre leur expérience de lecture, d'emprunter des chemins de traverse, comme ceux de la création sonore, qu'il s'agisse de pièce musicale ou de podcast. Récit de cette aventure parallèle toute en son.
PAR STÉPHANE DUCHÊNE
Atelier des récits, ce sont bien sûr des chroniques rédigées dans les règles de l'art — sur le modèle de la presse écrite et de la critique littéraire — mais pour certaines classes l'exercice convoque bel et bien d'autres formes d'écritures, ici sonores, au sens large du terme. Dans trois établissements d'Auvergne-Rhône-Alpes participant à Atelier des récits, on s'est donc livré à un exercice bien particulier qui peut relever de la création sonore et musicale la plus artistique comme de l'exercice journalistique de type podcast. Avec, à chaque fois, l'expertise de GRAME (centre national de création musicale) pour leur permettre de se familiariser avec l'environnement sonore et ses outils, les modalités d'enregistrement, de montage, mais aussi le concours d'artistes et/ou de professionnels pour les guider dans cette réalisation.
IMPRESSIONS ÉLECTRO-ACOUSTIQUE
Au Lycée Lumière (Lyon 8e), une classe de musique et une autre de français ont ainsi unis leurs efforts et leur enthousiasme autour d'une création musicale électro-acoustique sur Frères d'âme de David Diop. Pour cela, après s'être familiarisé avec le concept de musique électro-acoustique, les élèves de M. Hyvoz, professeur de musique, ont commencé, avec l'aide de Nolwenn Guéhenneux, musicienne, par capter des sons, notamment lors de la visite d'une exposition sonore donnée à la Villa Gillet, se constituant ainsi une banque sonore dans laquelle piocher. De leur côté, les élèves de la classe de français de Mme Barbe ont lu Frères d'âme, choisi des extraits, et exposé à leurs camarades leur ressenti de lecture sous la forme de commentaires ou de textes de leur composition. Une manière de “passer commande” de cette création musicale. Certains d'entre eux ont été enregistrés lisant leurs propres poèmes. Une restitution de laquelle les musiciens ont tiré leurs propres impressions, à partir de mots clés et d'atmosphères pour, selon M. Hyvoz, « développer un imaginaire sans qu'il soit fléché, le convoquer par des sons enregistrés, garder la sensation sonore sans la signification, la voix sans le sens, de raconter une histoire sans la parole ». Car il ne s'agit ici ni de raconter, ni de livrer une BO du livre. La dernière étape du travail a ensuite consisté en le montage des pièces sonores et leur mixage, étapes durant laquelle les élèves sa familiarisent avec des outils comme Audacity, ou lors de la prise de son, les enregistreurs Zoom. La pièce musicale qui en résultera sera décomposée en trois mouvements — comme le nombre de groupes qui composent la classe de musique — et sera diffusé sur la web radio du Littérature Live Festival.
Seconde, Lycée Lumière, Lyon (69)
AU PLUS PRÈS DU TEXTE
Du côté de la Cité Scolaire internationale (Lyon 7e), les élèves de Seconde de Mme Brun ont travaillé sur Lanceurs de feu (The Firestarter) de Jan Carson, en anglais. Le parti-pris a été ici de travailler, toujours avec Nolwenn Guéhenneux et l'aide de GRAME, sur des lectures d'extraits du livre de l'autrice irlandaise mettant en avant la voix et les mots du roman — manière de permettre aux élèves de mettre l'accent sur leur expression orale dans la langue de Jan Carson — tout en travaillant le sound design d'ambiance pour en illustrer le propos. Lors de ces ateliers, les élèves ont ainsi appris à placer leurs voix et à perfectionner leur diction à travers différents exercices de respirations et de vocalises, comme on le ferait lors d'un cours de chant, à utiliser les outils d'enregistrements, à sélectionner les extraits en fonction de l'expression de leur ressenti. Et donc à imaginer l'illustration sonore de leurs propos par l'exploration de sons collectés mais aussi la création d'un contenu sonore original, imaginé par eux. Un travail au plus près du texte avec le souci d'en restituer la poésie et le réalisme magique auxquels les élèves ont été particulièrement sensibles.
Projet sonore, 2nd euro,Cité scolaire internationale, Lyon (69)
SYNTHÉTISER LES IMPRESSIONS
Au Lycée Guynemer de Grenoble, c'est un travail tout à fait différent qui a été envisagé pour rendre compte du travail des élèves de terminale Bac Pro concernés et de leurs réflexions sur le livre étudié : un podcast se rapprochant des canons journalistiques et qui s'attache à la découverte des Lumières d'Oujda de Marc Alexandre Oho Bambe. Les élèves y sont toujours accompagnés par GRAME mais aussi par une journaliste et enseignante en communication, Dalia Pereira. Pour leur professeur de Français, Mme Saignol, l'exercice est idéal pour « permettre aux jeunes — dont certains ne sont pas très à l'aise avec les questions de littérature et de format journalistique — de préparer la rencontre avec l'auteur qui aura lieu sur le festival le 18 mai, de réfléchir au livre et aux questions qu'ils pourraient lui poser ». À travers notamment un travail de réflexion sur la mise en mots et en son du roman. Pour cela, « l'entrée en lecture » aura été facilitée par le caractère polyphonique de l'écriture d'Oho Bambe qui selon la professeure permet de « naviguer dans le roman, d'aborder son étrangeté ». Mais aussi par des lectures à voix haute auxquelles le roman se prête particulièrement. Là aussi un travail par mots-clés aura permis de synthétiser les impressions.
En parallèle, les élèves ont pu, avec l'aide un professeur d'arts appliqués, réfléchir au design sonore de leur futur podcast ainsi qu'à l'aspect technique de sa réalisation, avant la journée de travail finale aux côtés de la journaliste. Après une dizaine d'heures de préparation et une journée de travail sur la réalisation du podcast proprement dit, les élèves pourront livrer une émission d'environ cinq minutes.
Trois manières de faire, trois manières de lire et d'en faire état, d'en exprimer le ressenti et au final trois formes d'écritures proprement dites où les jeunes lecteurs ont eu tout ou presque à inventer, à commencer par leur récit de lecture. Une expérience à retrouver sur Villavoice et sur la webradio du Littérature Live Festival.