Lucie Campos

Après deux éditions sous contraintes, le Littérature Live – festival international de littérature de Lyon – Auvergne- Rhône-Alpes –, prend enfin son envol. Une nouveauté pour Lucie Campos, directrice de la Villa Gillet nommée fin 2019. Et un retour salvateur aux rencontres, essentielles, entre les auteurs et les lycéens d'“Atelier des Récits”.

« Multiplier les formes de la conversation »

Pour le Littérature Live, c'est enfin le retour à la normale et pour vous directrice votre première édition dans une forme classique...

Lucie Campos : Pour moi c'est l'aboutissement de trois ans de travail. J'ai travaillé sur le programme du festival à partir d'avril-mai 2019. J'ai ensuite été recrutée avec davantage de fonctions à l'automne 2019 et les deux éditions suivantes ont été considérablement modifiées par toutes ces contraintes qu'on vécu tous les lieux culturels de France. Cette édition est donc l'aboutissement à la fois du projet initial et de tout ce qui s'est passé entre temps.

L'idée était de redonner un grand festival international de littérature à Lyon et en Auvergne-Rhône Alpes, en proposant une littérature en prise sur le monde, comme lien d'accès et de compréhension. Ensuite, sur ces trois dernières années on a beaucoup retravaillé les choses sous la contrainte de la pandémie et la renaissance que nous voulions était donc d'autant plus nécessaire. Renaissance il y a et c'est une vraie joie de présenter un programme avec 50 auteurs du monde. Et de le faire aussi enfin pleinement avec notamment des lycéens. Les lycéens n'ont pas cessé de travailler sur nos auteurs ces deux dernières années mais on avait hâte qu'ils les rencontrent enfin vraiment, que ça puisse avoir lieu dans une belle salle, avec toute l'excitation d'une semaine de festival.

Quelle seront les contours et la couleur de cette édition ?

Ce sera une édition aux couleurs de l'Europe, d'une Europe à laquelle on réfléchit forcément beaucoup en ce moment au vu de l'actualité en Ukraine et en Russie, qui nous rappelle à tous le récit qui est le nôtre. Parce que quand on parle d'Europe, on parle de récit partagé, d'une histoire partagée, d'une culture partagée. Quand on parle de l'Ukraine et qu'on se demande “qu'estce que l'Ukraine ?”, il faut, pour le comprendre, aller chercher dans les récits que les Ukrainiens écrivent. Pour comprendre la Russie, il faut aller chercher ce qui est écrit en Russie par les Russes, ce que nous écrivons sur la Russie, ce que nous pensons de l'Europe et de ses marges. Tout ce contexte-là a accentué une espèce de désir d'Europe que nous avions déjà en programmant cette édition. Et on a la chance de travailler avec des auteurs qui sont en prise sur le monde et qui ont envie de parler de l'actualité, d'expliquer le monde qui est le leur. Tous les auteurs avec lesquels on travaille étaient déjà invités bien avant la crise ukrainienne. Mais ceux qui sont concernés de près ou de loin par ce qui se passe actuellement aux frontières de l'Europe vont être amenés à en parler. Nous avons d'ailleurs bousculé toute la programmation pour ouvrir lundi 16 mai avec une grande soirée sur l'Europe par plusieurs lectures de textes ukrainiens au Théâtre de la Croix-Rousse, portées par les écrivains du festival et avec plusieurs prises de paroles de ces écrivains sur ce que représente pour eux l'Europe, et ce que c'est qu'écrire aujourd'hui sur l'Europe. La deuxième chose, et c'est la grande nouveauté de cette année, c'est qu'on rouvre la maison Villa Gillet. Une grande partie des rencontres aura ainsi lieu dans le Parc de la Cerisaie, autour de la Villa. Et troisième chose, c'est un festival qui multiplie les formes de la conversation puisque à chaque rencontre Villa Gillet correspondent d'autres rencontres, parfois des tournées sur plusieurs lieux du livre dans la Région, en médiathèque, dans les lycées, les librairies, à Lyon, dans la Métropole et dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Votre regard sur le projet Atelier des Récits ? Quelle importance prend-il pour un lieu comme la Villa Gillet, dans le cadre d'un festival comme celui-ci ?

Ce projet existait déjà avant ma nomination, notamment sous le nom « Graines de critiques ». Nous avons là-aussi repensé les choses. Le fait d'appeler ce programme “Ateliers des Récits” signifie qu'on se recentre sur la question des récits comme un point d'entrée de la littérature, une des raisons pour lesquelles nous souhaitons transmettre notre intérêt pour le texte littéraire. On a ce plaisir là d'embarquer avec nous des enseignants, des bibliothécaires, des équipes pédagogiques et avec eux leurs lycéens autour de cette question du récit. Pour nous c'est très important parce que c'est par là que l'année festival démarre. Elle démarre dès l'été qui précède lorsque nous commençons à discuter avec les équipes pédagogiques du programme de l'année suivante. En mai-juin de cette année nous seront déjà en train d'en discuter avec les équipes pédagogiques des différents lycées intéressés, de la programmation de mai 2023. Les enseignants avec lesquels on discute sont les premiers à entendre parler du programme du prochain festival. Il y a là quelque chose de très important qui montre qu'un festival est une aventure de lecture qui dure toute une année et aboutit à ce moment de la rencontre sur scène.

Cette rencontre a été empêchée, ces deux dernières années. Nous avons posé la question à des auteurs invités mais pour vous en quoi estelle essentielle dans tout ce processus de lecture ?

Nous avons la particularité de travailler avec des écrivains vivants d'aujourd'hui. Les écrivains viennent parler d'un texte qu'ils publient mais autour de ça d'une oeuvre et d'une vie, du contexte dans lequel ils écrivent. Et ces éléments ne passent pas seulement dans le discours formel qu'on peut tenir sur scène ou face à une caméra mais aussi dans des conversations informelles. Et le fait de pouvoir rencontrer l'auteur en vrai, permet à la fois une conversation formelle et une conversation informelle. Le niveau informel est très important. D'où l'importance de multiplier les formes de la conversation : il faut qu'il puisse se dire des choses sur scène mais aussi avant de monter sur scène et après, le lendemain lors d'une émission web-radio par exemple. C'est en multipliant les formes de la conversation que l'on arrive à mieux comprendre ce que représente l'écrivain. Ce retour à la conversation est important pour nous tous et notamment pour les écrivains eux-mêmes. C'est très important pour eux d'aller à la rencontre de leur public, à plus forte raison pour les grands écrivains venus d'ailleurs pour lesquels c'est parfois la première rencontre avec leur public français. C'est à travers ces rencontres avec les lycéens d'Aura qu'ils vont aussi comprendre leur public français. Il y a quelque chose de très excitant pour eux dans ces rencontres.

Littérature Live – festival international de littérature de Lyon – Auvergne-Rhône-Alpes
Du 16 au 22 mai

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