Nicolas Richard

« En rencontrant le public, je me dévoile toujours beaucoup plus que prévu »

Le travail d'écrivain est avant tout un travail plutôt solitaire... Quelle importance revêt pour vous le fait d'aller à la rencontre directe du public ? Et plus précisément du public scolaire ?

Nicolas Richard : C'est très étrange, pour moi, cette affaire, parce que ce que je fais, en effet, est habituellement silencieux : je lis, je traduis, j'écris, mais les voix sont intérieures, les échanges sont dans ma tête. Or en rencontrant le public, je dois me servir de ma voix et de mon ouïe, les échanges ne sont plus que mentaux mais deviennent très concrets. Rencontrer les gens c'est quelque chose qui n'a presque rien à voir avec lire-écrire-traduire. Pendant une rencontre je suis entièrement dans l'instant présent et, une fois la rencontre terminée, je suis incapable de dire ce qui s'est passé, beaucoup de choses m'ont échappé, j'ignore l'essentiel de ce qui s'est dit. C'est bizarre, hein ! En rencontrant le public, le jeune public en particulier, je me dévoile toujours beaucoup plus que prévu : quelque chose de moi s'échappe et m'échappe. Et toujours je me demande ce que les gens venus m'écouter ont entendu.

Qu'apportent ces rencontres à votre travail d'écrivain proprement dit ?

La question est surtout de se demander ce que ces rencontres apportent à ceux qui y participent. Ces rencontres donnent-elles envie de lire des livres ? Si oui, alors c'est mission accomplie. Si le "public" venu à une de ces rencontres a envie de lire Garth Greenwell, Mike McCormack, Valeria Luiselli ou Miranda July, alors c'est gagné !

Comment avez-vous vécu ces presque deux ans sans contact avec vos lecteurs ? Cela a-t-il changé votre rapport à votre travail ?

Mon cas particulier est complètement atypique : pendant ces deux ans, j'avais un toit au-dessus de ma tête, mon pays n'était pas en guerre, aucun de mes proches n'est mort, ma famille était là, j'ai beaucoup lu, beaucoup traduit et, en plus, un livre à peine prévu s'est écrit : Par instants, le sol penche bizarrement. Le contact le plus intime avec les lecteurs s'effectue par le livre, je crois. Enfin . . . je n'en sais rien, en fait !

PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE DUCHÊNE

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