L'avis du Petit Bulletin
Frère d’âme
(Seuil, 2018)
Entre horreur et poésie, David Diop nous fait partager l’histoire de Alfa Ndiaye, tirailleur sénégalais pendant la Première Guerre mondiale. L’écriture scandée nous permet de ressentir la folie dont est atteint le personnage principal, et illustre bien la réalité de la guerre des tranchées avec une atmosphère macabre et pesante. Un personnage qui se ment à lui-même, ne pouvant assumer l’horreur de ses actes, créant ainsi un paradoxe en se référant toujours à Dieu alors qu’il a perdu toute humanité. L’auteur nous parle des conditions de vie des soldats et des tirailleurs sénégalais pendant ce conflit et apporte également des éléments sur le racisme à cette époque. Un livre bouleversant qui montre la barbarie de l’homme et peut mettre notre jugement moral en péril.
Dans les entrailles de la Métropole, Alpha, le narrateur, un jeune tirailleur sénégalais, est confronté au bruit et à la fureur de la Première Guerre mondiale. Son flux de conscience ressasse douloureusement, dans une langue poétique, une expérience traumatique, celle sur laquelle s’ouvre le roman : Mademba, son frère d’âme agonisant, le supplie de faire preuve d’humanité en abrégeant ses souffrances. Obéissant à des principes ancestraux, Alpha refuse. Rongé par le remords, il se métamorphose alors en un monstre vengeur en se livrant à un rituel macabre d’une violence inouïe sur le corps de l’ennemi allemand. Le lecteur peine à se remettre de ce récit éprouvant qui mêle l’humain et l’inhumain. Cette bouleversante et troublante histoire d’amitié nous autorise pourtant à croire encore en l’Homme.
Jeune tirailleur sénégalais, bercé dans une enfance traditionnelle africaine, Alfa Ndiaye vit la 1ère guerre mondiale loin de son Afrique natale, dans un Occident défiguré par les combats et ses tourments. Accompagné par son presque-frère Mademba, il raconte sa première rencontre avec l’horreur. Immergés dans l’émotion et l’esprit du personnage, on comprend vite son attachement pour ses terres d’origines et pour ses compagnons de vie. On suit l’évolution de ce soldat néophyte dans l’art de la guerre, où la moindre faiblesse peut faire vaciller la raison. Un roman à consommer sans retenue, qui nous transporte avec brio dans la violence des tranchées, nous captive par son intrigue, nous berce par son mystère et son écriture obsédante.
Échanges autour du roman.
L’histoire est originale et attachante. Oui, ce récit introspectif est triste car on voit comment la guerre transforme un homme en machine à tuer. C’est vrai, j’ai aimé car il y avait beaucoup d’émotions. C’est un livre émouvant sur la guerre et la violence. Moi, ça m’a dégouté quand Alfa explique comment il conserve les mains coupées… En fait, l’histoire m’a plu mais pourquoi toutes ces répétitions ? Elles donnent du rythme au livre. Non, je pense qu’elles ralentissent l’histoire et la rendent monotone. En plus, l’oeuvre est remplie de métaphores et d’allégories. Moi, je n’ai pas aimé celle qui fait de la tranchée un sexe féminin. Pour moi, j’ai découvert les tirailleurs sénégalais de la première guerre mondiale. C’est sûr, cette histoire révèle la guerre sans filtre !
La porte du voyage sans retour (Seuil, 2021)
Dans La porte du voyage sans retour, David Diop offre un tableau du XVIIIe siècle à travers le regard du narrateur, Michel Adanson, homme des Lumières et botaniste qui entreprend un voyage au Sénégal. Son aventure l'amènera à rencontrer Maram, une femme héroïque et mystérieuse. Une quête et une histoire d'amour peu ordinaires occupent ainsi le premier plan du roman mais sans dénaturer les connaissances ethnographiques et historiques qui tissent la toile de fond de l'intrigue. Les points de vue composent un kaléidoscope captivant, et la polyphonie créée par les récits enchâssés font écho à notre réflexion sur les questions actuelles de l'écologie, du féminisme et du racisme alors que l'histoire de Maram devient un réquisitoire contre l'esclavage.
Seconde, Lycée Lumière, Lyon (69)
Biographies
Première Bac professionnel du Lycée Lamartine, Belley, Ain (01)
Verdun, le 23 02 1916,
Ma chère Fary,
Tu me manques, et je me sens seul sans toi. Même la
présence de Mademba, mon plus-que-frère, ne peut
atténuer mes souffrances. Ici, tous les jours la même
histoire se répète. Nous sortons en hurlant des entrailles
de la terre, nous, les Chocolats d’Afrique, nous, les
plus courageux, … qui effraient les Allemands. Mais la
peur finit toujours par nous rattraper, sur le champ de
bataille, les dents claquent et des auréoles teintent les
pantalons. Mais je ne veux plus être traité différemment
à cause de ma couleur de peau ni que les nôtres soient
utilisés comme chair à canon. Si j’en réchappe, je raconterai
la folle histoire des tranchées. J’étudierai en France
et irai à la Sorbonne ! Je deviendrai professeur et puis un
jour écrivain, car par la vérité de dieu, je veux que cette
histoire soit lue par tous. Si ce livre recevait un prix,
alors j’espère que cela changerait notre avenir. Imagine
que je reçoive le Goncourt, celui des lycéens, alors, je
ferai ce discours : « Je suis extrêmement heureux d'avoir
été choisi par vous parce que je suis enseignant … et
je suis vraiment très sensible à votre, … pas… amour,
disons prédilection ».
Ton soldat, D. DIOP
Classe de terminale, Lycée Albert Thomas, Roanne (42)
David Diop est un écrivain et universitaire Franco-sénégalaisné à Paris en 1966.
Agrégé de Lettres ModeRnes et spécialiste de la littérature du XVIIIe siècle, il devient maître de conférences à l’Université de Pau.
En 2018, FrÈre d’âme, son troisième roman,
Remporte le Prix Goncourt des lycéens et le pRestigieux International Booker Prize en 2021
Désireux de partagEr sa passion
Des mots,
Il crée d’inoubliables et effroyables images
Qui demeureront dans nos mémoires.
Porteur d’une Histoire inAvouée,
Il rend homMage
Aux tirailleurs sénégalais tombés pour la FrancE
Première pro - maintenance des équipements industriels, Lycée du Dauphiné, Romans-sur-Isère, Drôme (26)
Le tirailleur et son écrivain
Moi Alfa Ndiaye, par la vérité de Dieu, je vous présente David DIOP né en 1966 à Paris d’un père sénégalais et d’une mère française. C’est drôle, très jeune il quitte la France pour rejoindre Dakar. Je sais, j’ai compris, dès sa jeunesse, se mélangent en lui deux cultures qu’on retrouve dans l’écriture de Frère d’âme. C’est drôle, il est lauréat du concours général de français, latin et philosophie en 1983. C’est drôle, le revoilà à Paris, à l’université de la Sorbonne, là où il consacre sa thèse de doctorat à la philosophie politique dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Par la vérité de Dieu maintenant, David DIOP, mon père cet écrivain est Maître de conférences à l’université de Pau. Frère d’âme, a été Prix Goncourt des lycéens en 2018 et par la vérité de Dieu, le dernier roman de mon créateur, mon plus que père, La Porte du voyage sans retour aux éditions du Seuil, a été sélectionné à nouveau pour le prix Goncourt 2021.
Première, Lycée Jean Puy, Roanne, Loire (42)
1ère année BTS, Lycée Saint-Louis, Crest, Drôme (26)
Autres Documents
Soir noir de guerre
Artère de soldat en sang
Cent nuits de souffrance
Face au diable en feu
La mort était à l'attente
aurores atroces
horreur au râle des rails
plaies métalliques
souffrance
nœud de sang
dansant, frère dans la vie. Seul dans la mort
bruyamment brutalement s’éteint
égorgé par l’espoir
dans le ciel du soir
mémoires obscures
le crépuscule d’une sépulture
Pardon
ah mon plus que frère
nous fûmes
aurores atroces
horreur au râle des rails
abîme, plaies métalliques
nous fûmes
nœud de sang,
dansant, frère dans la vie,
Seul dans la mort.
bruyamment, brutalement s’éteint
éventré par le soir
sous un ciel d’espoir,
mémoires obscures
le crépuscule d’une sépulture.
le briquet s’allume
Rappelle-toi mon plus que frère
soupir
et les pieds s’enfoncent dans la terre
éclaboussure d’adrénaline
un seul et même corps, cris de guerre
souviens-toi mon plus que frère
« Je suis en même temps la mort et la vie. »
mensonge, la mort était à l’attente.
Rappelle-toi, N’Diaye mon plus que frère
tirailleur, tirailleur
mais traduire, toujours traduire.
mais pourquoi, ne pas interpréter
dieu, les questions, les prénoms, les sentiments
Rappelle-toi N’Diaye, docteur français
ton apparence puis mes sept mains
Mademoiselle François, le dessin
le briquet s’éteint.
dëmm, pardon.
Le vent se lève, il faut tenter de vivre.
Je suis deux voix simultanées. L’une s’éloigne, l’autre crie. Lui est moi, et moi, suis lui.
Un subtil balancement entre tous ces personnages.
Si tu m’achèves maintenant, tu auras la conscience saine, sauve, protégée.
La douleur qui me paralyse le corps ne paralyse pas ma pensée. Tout comme la douleur de la tristesse ne paralyse pas la tienne. Alors pense mon frère. Pense à moi. Pense à ton plus-que-frère.
Je veux mourir sans douleur, librement. Je veux pouvoir accéder au Paradis. Tu sais. Tu sais où se trouve le Paradis. Il se trouve chez nous. Dans notre pays. Dans notre maison. Dans notre lit. Dans notre lac. Dans notre poussière. Dans notre village. Dans nos forêts.
Alpha, aie pitié, tue-moi maintenant. Si tu le fais tout de suite, tu pourras me ramener au pays. Pense à nos âmes. Il ne faut pas qu’elles s’imprègnent de cette terre blessée. Cette terre est pourrie d’âmes emprisonnées dans des corps abandonnés à la mort.
Alpha, délivre-moi. Laisse-moi m’envoler. J’oublierai tout pour toi. J’oublierai les hommes morts dans la boue. J’oublierai le bruit des obus. J’oublierai la faim, le froid, la fatigue. J’oublierai ta mère, ton père.
Tu n’auras plus rien dans la tête. Plus que moi. C’est moi qui vais te sauver, si tu me sauves d’abord.
Je peux te blesser. Si tu es jaloux de moi. Si tu as peur de pas y arriver. Tu veux me comprendre ?
Je te demande de me tuer pour abréger mes souffrances. J’ai le droit de mourir.
Quand on regardait les étoiles, tu m’as promis qu’un jour, un jour où j’en aurais vraiment besoin, tu me sauverais. Sauve-moi maintenant. Tu te souviens, je le sais. Alpha ! Moi aussi je te fais une promesse ! Si tu me tranches la gorge maintenant, j’irais la chercher. Celle qui a envahi tes pensées tous les soirs, toutes les nuits passées tous les deux. Ta mère. Je te ramènerais ton être le plus cher.
Vois cet acte comme un service que tu me rends. Personne ne dira rien au pays. S’ils disent quelque chose, rappelle-leur qu’ils ne sont pas dans les tranchées. Elles nous aspirent. On tombe dedans. On nage, on pleure, on boit. Ils ne savent pas ce que c’est, l’enfer. Nous le savons. Le diable nous aspire quand on tombe malade. Quand on tombe de fatigue. Quand on tombe sous le poids d’une balle.
On jouait à la balle ensemble, mais maintenant, on ne préfère pas les rattraper.
Alpha, si tu veux que je pleure, je ne le ferais pas. Je veux garder mes yeux secs pour te voir.
C’est la fin et ce ne sera jamais plus autrement. Si tu vis, je vivrais avec toi.
Moi, Mademba Diop, je te supplie de m’achever. Mon plus que frère, abrège mes souffrances et tue-moi, je ne peux pas survivre, regarde l’état de mon ventre. Mes tripes ressortent.
On se connait depuis tout petits, on habitait au Sénégal. Te rappelles-tu ? Tu n’as pas le droit de faire ça, le droit de me faire souffrir. Qu’aurait dit Fary Thiam, celle avec qui tu as couché pour la première fois. Je t’ai toujours envié, envié ton corps de lutteur, envié tes belles dents blanches bien rangées, envié Fary. Tu as eu de la chance de coucher avec elle, moi non.
Tu as tout de plus que moi, je saurai vivre à travers toi.
Je sais ce que tu vas me dire, tu vas me dire que j’ai plus de courage que toi parce que je me lançais tête baissée sur l’ennemi. Je n’appelle pas ça du courage, regarde où il m’a mené ton courage ! Il m’a mené à la souffrance, à la douleur, au chagrin de désespoir.
Par la vérité de Dieu, achève-moi, aide-moi à rejoindre le ciel.
Promets-moi, dès que tu m’auras achevé, de ne pas t’en prendre au capitaine Armand, il ne fait que siffler pour sauver la France. Ne sois pas pris d’une rage qui va te rendre fou, et ne te soumets pas au mal.
Je ne veux pas que tu me rejoignes aussi vite, car alors je me sentirais coupable de ne pas avoir su te remettre dans la raison, dans le droit chemin, le chemin de la vie.
Je t’aime, je t’aimerai pour toute la vie. Ne te sens pas coupable, tu ne vas pas me tuer, mais seulement abréger mes souffrances.
Par la vérité de dieu, moi Mademba Diop, je t’en supplie, aide-moi à ne plus souffrir.
Au revoir mon frère, mon frère d’âme.