Dans le cadre du Bureau des Idées, projet de médiations inscrit dans le Festival des Idées – Mode d’Emploi (15-20 nov. 2021) de la Villa Gillet, les élèves du Lycée Blaise Pascal de Charbonnières-les-bains ont formulé leurs « 12 propositions pour l’avenir » en présence de Cynthia Fleury (philosophe, enseignante et psychanalyste), Dominique Bourg (philosophe et enseignant) et Grégory Doucet (Maire de Lyon) à l’événement « Place de la République » organisé en collaboration avec la ville de Lyon et Le Monde le 22 janvier.
Les élèves du Lycée Blaise Pascal de Charbonnières-les-bains, suivis par leurs enseignantes Myriam Delay et Catherine Walle, ont réfléchi à la problématique de la démocratie et de la liberté d’expression suite à leur conversation avec Emmanuelle Barozet qui est venue à leur rencontre à l’établissement scolaire.
Ces vingt dernières années ont vu naître des mobilisations citoyennes aux formes de plus en plus diversifiées : ATTAC en décembre 1998, protestations syndicales contre la libéralisation des services en 2005, occupation de places publiques en 2011 (les Indignés en mai, Occupy Wall Street en septembre), Nuit Debout en mars 2016, actions contre le glyphosate en 2017, les Gilets Jaunes en novembre 2018 ou encore le Mouvement des jeunes pour le climat en février 2019.
Ces mobilisations citoyennes sont des formes d’engagement qui, toutes, remettent en cause l’exercice de la démocratie représentative et les excès de la mondialisation et du capitalisme débridé.
La démocratie est un idéal type. Ses deux piliers sont l’égalité et la liberté, en particulier l’égalité des chances et des droits ainsi que la liberté d’opinion. La liberté des idées et le pluralisme politique imposent le compromis pour que la gouvernance politique puisse s’exercer. On connaît les difficultés de ce système, en particulier face à la régulation du capitalisme (imposition des GAFAM, paradis fiscaux, taxe Tobin et rôle des institutions politiques nationales, européennes, internationales mises à mal).
Le capitalisme est aussi un idéal type dont un des fondements est la propriété privée et il va de pair avec le marché : le libéralisme économique le porte. La dynamique de marché suppose des inégalités. Ces inégalités jouent d’ailleurs le rôle d’incitations puisqu’elles sont liées à la répartition opérée sur les marchés. Le marché est toujours une institution, encadré par le respect du droit de propriété par exemple, mais lorsque les inégalités s’aggravent ou lorsqu’elles sont considérées comme injustes et qu’elles débouchent sur une augmentation de la pauvreté, la question sociale revient au centre du jeu politique.
Ces nouvelles formes d’engagement sont originales lorsque replacées dans l’histoire des luttes populaires. Elles interrogent le fonctionnement de la démocratie participative et les institutions de la Ve République. Les propositions faites par les élèves du Lycée Blaise Pascal de Charbonnières-les-bains visent à remettre le citoyen au cœur de la démocratie.
1. L’initiative locale favorisée avec des conseils citoyens locaux pour une démocratie participative et délibérative, sur des enjeux relevant de la commune et de la région.
On part du constat qu’une part de plus en plus importante de la population se détourne d’un monde politique jugé opaque et éloigné. Le but est de remettre les citoyens au cœur de la démocratie. Cela suppose par exemple la mise en place d’assemblées citoyennes thématiques localement avec un pouvoir délibératif. Les avantages de ces assemblées citoyennes locales sont de faire participer les citoyens à la démocratie mais aussi faciliter le changement. La proximité des assemblées favorise la participation des citoyens qui interagissent pour proposer des projets et des solutions collectifs.
2. Des conventions citoyennes thématiques nationales : s’inspirer de l’exemple du Chili 2021-2022, un laboratoire pour la démocratie.
Des conventions citoyennes thématiques nationales sur des enjeux politiques et sociétaux majeurs. Ces conventions citoyennes seraient composées pour moitié de parlementaires et pour moitié de citoyens tirés au sort sur les listes électorales. Elles peuvent porter sur des révisions constitutionnelles ou de moindre ampleur à chaque fois validées par le recours au référendum populaire.
3. Recours au tirage au sort, symbole de la démocratie directe.
Cette pratique permet l’expression de l’ensemble de la population en évitant le « sens caché » : les catégories socioprofessionnelles habituellement peu représentées et abstentionnistes peuvent alors prendre toute leur place. De plus, les participants n’ont pas à se préoccuper d’un succès à une future échéance électorale. Les modalités du tirage au sort sont à définir au cas par cas selon le thème et la portée des consultations et des décisions en jeu. Les critères du tirage au sort pourraient être par exemple les listes électorales, des listes réalisées par tranche d’âge, des listes réalisées par statut, des listes réalisées par niveau d’imposition…
4. Prendre en compte le vote blanc.
Une des explications de la désaffection croissante des citoyens pour les urnes, l’abstention, se trouve dans une offre électorale qui ponctuellement ne leur convient pas ou plus. Le vote blanc exprime cette inadéquation de l’offre politique avec les attentes de l’électorat. Il faudrait déterminer un seuil de vote blanc à partir duquel l’élection est annulée et reportée (30 % des suffrages exprimés). Dans le cas des élections présidentielles, le président du Sénat, dans le respect de la Constitution de la Ve République assure l’intérim du pouvoir exécutif, veille à la continuité des institutions tout en organisant un nouveau scrutin.
5. Le référendum d’initiative citoyenne.
Actuellement, seul le Référendum d’Initiative Partagée, entré en vigueur le 1er Janvier 2015 suite à une modification de l’article 11 de la Constitution en 2008, permet aux Français d’approuver ou non les projets de loi soumis à l’Assemblée Nationale. Aujourd’hui, le RIP n’est qu’un symbole puisque, depuis son apparition en 2015, aucun référendum n’a abouti.
En effet, le RIP se déclenche uniquement à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement (185 députés et sénateurs), soutenu par un dixième des électeurs (4,7 millions environ). Ces conditions peuvent sembler trop restrictives. Depuis, les propositions d’assouplissement des conditions du déclenchement du RIP n’ont pas abouti malgré les enquêtes qui montrent une aspiration réelle des Français. Il reste à déterminer le champ d’application du RIP : aussi le RIP permettrait-il à chaque citoyen de proposer une loi, de demander l’abrogation d’une loi, de révoquer des élus, de modifier la Constitution, d’approuver ou non des traités, etc.
6. Le retour au septennat, mais non-renouvelable.
Rétablir le septennat pour redonner du pouvoir à l’Assemblée. L’élection législative se passe juste après celle du Président, elle est très liée à celle-ci. La couleur des députés est alors radicalement celle du Président. Mais la République doit tenir compte d’un certain nombre d’oppositions à l’intérieur même des structures gouvernantes pour une réelle expression démocratique de l’ensemble des citoyens. De plus, un certain nombre de mesures (impopulaires) en fin de mandat présidentiel peuvent être ajournées ou annulées. Le non-respect des programmes de campagne déçoit ainsi les citoyens notamment les plus jeunes (dont certains n’y croient plus).
7. Le vote des immigrés aux municipales.
Actuellement, les étrangers résidant en France sans avoir la nationalité ne peuvent voter à aucune élection. Cette mesure vise donc à leur accorder le droit de vote lors des élections locales, comme les résidants d’origine européenne étant donnés qu’ils paient des impôts en France. Dans certaines communes, leur absence fait qu’un pourcentage très important de la population ne vote pas pour des instances qui gèrent la vie locale. Cela interroge donc la représentativité des élus.
8. Davantage de proportionnelle pour se sentir davantage représenté et concerné
Ce mode de scrutin, qui consiste à attribuer à des listes de candidats des sièges en proportion des voix qu’elles reçoivent, n’a été utilisé qu’une seule fois pour élire les députés sous la Ve République, en 1986. Avec les proportionnelles, intégrales ou partielles, l’Assemblée Nationale serait une réelle photographie de l’opinion publique. Certes, les majorités peuvent émerger plus difficilement, mais la recherche d’alliance et de compromis peuvent être vecteur de démocratie.
9. Le vote électronique doit être développé… d’autres pays le font…
La solution pourrait être le vote électronique. C’est une façon dématérialisée de voter, cela peut se faire de plusieurs manières, tout d’abord les machines à voter DRE direct-recordingelectronic voting machine (en français : machine de vote électronique à enregistrement direct). Le Brésil a mis en place des machines à voter DRE en premier en 1996 sur une base limitée. Aujourd’hui, le Brésil, l’Inde, le Venezuela, la Namibie et les Émirats arabes unis utilisent ce système à échelle nationale. Les machines à voter DRE ont beaucoup d’avantages : elles suppriment les besoins en papier des bulletins, soit un coût écologique et économique plus faible sur le long terme, les DRE peuvent être programmés dans différentes langues et sont accessibles aux personnes souffrant d’un handicap, ce qui pourrait leur permettre de voter sans aide et ainsi de garder l’anonymat de leur vote. De plus, cette machine empêcherait d’éventuelle erreur ou fraude et faciliterait le dépouillement car les votes seraient directement enregistrés, cela réduirait considérablement le besoin de personnes pour chaque élection. Un autre moyen de voter électroniquement serait le vote sur internet, présent par exemple en Estonie à échelle nationale, mais encore au Canada ou en Inde à échelle limitée. De nombreux sites existent déjà comme « wechooz » ou « SLIB », néanmoins les risques sont nombreux, le piratage ou le risque qu’une personne vote deux fois ne doivent pas être négligés. C’est pourquoi la solution serait que le gouvernement crée une application fonctionnant grâce à des QR codes présents sur toutes les cartes électorales. De ce fait chaque personne ne pourrait voter qu’une fois. Ce genre de méthode pourrait faciliter le vote chez les personnes à mobilité réduite. Cela rendrait le vote plus accessible et plus simple aux personnes.
Afin de ne pas mettre en difficulté les personnes ne maîtrisant pas internet, les bureaux de vote traditionnels devront tout de même rester ouverts, le seul but serait de rapprocher les gens du vote et de la politique afin de réduire l’abstention.
10. Rapprocher les institutions représentatives et les citoyens.
Retour à un découpage culturel et historique des régions rapprochant les citoyens des Conseils régionaux et abandon des 13 régions protéiformes réalisées par soucis d’économies.
11. Valoriser les corps intermédiaires et le dialogue social par une meilleure prise en compte des partenaires sociaux lors des concertations et accords tripartites.
Pour être validé un accord doit recevoir l’accord de la majorité des partenaires sociaux concernés par la concertation et non un seul.
12. Instauration d’une majorité citoyenne locale pour les élections municipales et régionales à 16 ans (éligibilité et électeurs)
Le Conseil municipal existe souvent pour les enfants les plus jeunes (quand ils sont en primaire). Il existe également pour les adultes à partir de 18 ans. Une participation au Conseil municipal pour les 16-18 ans serait bénéfique pour les jeunes qui se sentiraient impliqués dans la vie de leurs communes et cela les préparait progressivement à leur vie de citoyen. Pour finir, afin de réduire l’abstention aux élections, si les jeunes avaient le choix de voter dès leur 16 ans aux élections régionales et locales, ils se sentiraient certainement plus impliqués et prêt à défendre leurs idées et valeurs. Cela les préparerait également aux élections présidentielles avec un droit de vote qui resterait dès 18 ans.