par Ugo,
étudiant en CPGE au Lycée du Parc
Au cours de ma lecture de Dans Ma ZUP et d’Omar et Greg, j’ai éprouvé un plaisir particulier à découvrir les histoires singulières dont vous faites le récit. Dans cette première œuvre, la mosaïque de parcours et d’anecdotes permet de découvrir la vie en ZUP de manière innovante et intéressante. Si on a l’habitude d’entendre parler de ces espaces et de la vie de ses habitants, à travers la voix de ceux qui n’y vivent pas, de ceux qui projettent leurs clichés ou l’observent depuis leur tour d’ivoire ; si cette vie est souvent rapportée de manière déformée voire instrumentalisée dans certains discours, à travers l’oeil des journaux télévisés ou des organisations politiques, vous ne tombez pas dans ce piège. Vous êtes un témoin neutre, qui rapporte le plus fidèlement possible la “vraie vie” dans une ZUP car vous offrez la parole aux concernés, ceux qui ne l’ont pas et qui n’ont pas toujours la possibilité de la prendre. On découvre alors leurs préoccupations, désirs, inquiétudes ; comment les jeunes trouvent mille et une idées pour occuper leurs après-midis ou encore comment les anciens font face aux tracas du quotidien. Vous montrez ainsi la grande diversité des portraits et des figures et offrez une véritable réponse à la question : “à quoi ressemble la vie en ZUP ?”. Bien que non orientée ou bâtie comme telle, votre œuvre, par l’immersion réalisée, constitue une véritable enquête de terrain. Elle est d’une grande richesse en termes d’informations faisant d’elle un matériau précieux dans l’étude de notre société et de ses couches. La valeur de documentaire est permise par votre récit fidèle, au mot près, des parcours, des anecdotes, des pensées des concernés, lui-même rendu possible grâce à vos talents de conteur.
(C’était la partie de l’étudiant en sociologie ; je laisse maintenant place au lecteur passionné).
Mais la richesse de vos œuvres ne réside pas seulement dans leur qualité de source scientifique ; leurs récits nous touchent, nous captivent et nous amusent. Dans Omar et Greg, il a été très intéressant d’apprendre comment un passage de l’extrême-gauche à l’extrême-droite était possible, en plus de découvrir les expériences et anecdotes des deux individus. Dans Dans ma ZUP, le récit de souvenirs d’enfances, de moments de bonheurs, de solidarité ou d’amertume réussit à nous faire rire mais aussi à nous émouvoir. Je n’ai pu m’empêcher de sourire en imaginant la scène incroyable du gymnase transformé en piscine. Toutes ces anecdotes, qu’elles nous fassent rire ou pleurer, sont aussi captivantes en ce qu’elles offrent la possibilité de nous évader. Par leur titre d’anecdote, elles font disparaître la banalité quotidienne pour laisser place à une courte aventure, un épisode atypique. Mais si je suis friand des anecdotes, j’aime encore plus parcourir les longs récits de vie, plus intéressants encore, car ils nous font sortir davantage de notre existence pour entrer dans celle des autres.
Ainsi, j’aimerais vous faire part des quelques frustrations que j’ai éprouvées à la fin de mes lectures. J’ai conscience de la dureté de ce terme mais sachez qu’il ne balaye en rien le plaisir que j’ai ressenti. Car, en effet, je brûle d’envie de savoir ce qu’il advient des habitants de la ZUP de Chambéry Le Haut. Que sont-ils devenus ? Maintenant que leurs histoires ont piqué notre curiosité, il est trop tard pour s’arrêter ainsi. Nous voulons en savoir plus : a-t-il trouvé sa place ? Ce garçon qu’elle a rencontré était-il le bon ? Sa relation avec sa mère s’est-elle finalement améliorée ? Ont-ils continué la musique ? Peut-il finalement marcher ? Tant de questions en suspens dont on aimerait connaître la réponse.
Et si vous avez su nous captiver en retranscrivant la voix des autres et leurs anecdotes, nous aimerions entendre davantage la vôtre. C’est là une autre frustration que j’ai éprouvée. Toujours dans Dans ma ZUP, c’est seulement lors de la présentation de votre démarche ou au travers des commentaires accompagnant les illustrations que l’on a pu entendre votre voix et apprécier votre humour et votre sensibilité. Or, c’est cette voix que l’on aimerait davantage entendre, qui doit aussi avoir nombre de choses captivantes à raconter. Ainsi, en attendant notre échange et pour que vous nous fassiez part d’une de vos anecdotes, à votre tour et le moment venu, je vous fais part de la suivante. Je suis une sorte de déserteur pour l’Etat biélorusse. Malgré ma nationalité française, je suis considéré comme citoyen biélorusse en raison des origines de mon père. En tant que tel, j’ai été appelé au service militaire mais n’ayant pas un tempérament particulièrement belliqueux, je me suis abstenu d’aller sous les drapeaux… En cela, je suis exposé au risque d’être emprisonné dans un pays qui m’est pourtant étranger. Ça n’a évidemment pas empêché mon père de m’y envoyer clandestinement, pendant plusieurs années, caché entre les valises d’un train. Merci papa !