Thomas Piketty : au cœur des inégalités
Lyon accueille l’événement (Re)faire société organisé par la Villa Gillet. Pour ouvrir cette semaine de débats, l’économiste Thomas Piketty viendra parler de son livre « Capital et Idéologie » le mercredi 13 novembre. Une rencontre qu’on recommande. Dépêchez-vous, les places se vendent comme des petits pains.
Mais qui est Thomas Piketty ?
Il est actuellement directeur, docteur en économie des études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et professeur de l’école d’Economie de Paris depuis cinq ans.
Auparavant élève de l’école dont il est le directeur aujourd’hui, l’économiste continue son parcours et devient enseignant au MIT (Institut de technologie du Massachsetts), puis chargé de recherches au CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Il ne s’arrête pas là. Il fut également chercheur à la London School of Economics.
Le travail de Thomas Piketty est centré, avant tout, sur l’étude des inégalités économiques.
Ses ouvrages ne laissent pas indifférents ses lecteurs et lectrices du monde entier.
Pour l’économiste et historien Jean-Marc Daniel, Thomas Piketty est un « authentique économiste, maniant l’histoire, la théorie économie et la littérature ».
« Le capital au XXIe siècle »
Le livre de Thomas Piketty, paru en août 2013 aux éditions Seuil, est le résultat d’une quinzaine années de recherches et d’études avec la volonté « d’autant faire un livre d’histoire que d’économie ».
« Le Capital au XXIe siècle » connaît un succès mondial avec plus de 2,5 milliards d’exemplaires vendus. Au lendemain de sa sortie, les journaux et magazines se pressent d’écrire sur cet ouvrage qui fait sensation. Best-seller aux États-Unis, une adaptation cinématographique est en cours. Le documentaire, réalisé par Justin Pemberton, devrait être sur les écrans le 18 mars 2020.
Cet ouvrage de 976 pages porte sur une question fondamentale : le poids de l’héritage, notamment dans la répartition des richesses et les inégalités de revenus. Selon l’économiste, pour faire fortune, il vaut mieux hériter que de travailler. Il reprend alors la réplique de Vautrin à Rastignac dans « Le Père Goriot » de Balzac : «Mieux vaut se marier avec une riche héritière que de faire fortune par le travail».
Le climat économique actuel basé sur une croissance lente amplifie les inégalités patrimoniales. Ce creusement qui continue à s’approfondir s’explique par la hausse du taux d’intérêt par rapport au taux de croissance.
Ce «brillant économiste», pour Henri Gibier des Echos, a recours à plusieurs reprises dans son livre à Honoré de Balzac et Jane Austen, femme de lettres anglaise. Au XIXe siècle, l’enrichissement provient essentiellement des mécanismes patrimoniaux et passait, également, par l’héritage. Les deux guerres mondiales ont détruit les patrimoines privés. Il a fallut alors des décennies pour reconstruire ce qui fut perdu. A partir des années 1970 et des années 1980, la croissance lente laisse une place importante et, soudain, démesurée au patrimoine issu du passé. L’héritage pèse de plus en plus dans les revenus conduisant ainsi à une hausse des inégalités sociales. À long terme, « il ne peut exister de capitalisme autre que patrimonial ».
Thomas Piketty ne se limite pas à dresser un état des lieux. Il entend également proposer des solutions pour mettre fin à ces inégalités. Parmi celles-ci : un « État social pour le XXIe siècle », un retour à l’imposition des hauts revenus comme l’avait fait les États-Unis et le Royaume Uni des années 1930 aux années 1980. Selon l’économiste, dans une interview sur CheckNews, « cela a permis de mettre fin aux rémunérations hyper-élevée aux États-Unis (…) pour le plus grand bénéfice des salaires moins élevés ».
« L’impôt mondial sur le capital »
La plus fameuse de ses propositions est celle de « l’impôt mondial sur le capital » qui serait un impôt progressif sur l’ensemble des biens, patrimoines, propriétés, susceptibles d’apporter des revenus. Cécile Daumas, Florent Latrive et Christian Losson, de Libération, s’interrogent sur l’efficacité de cette idée alors que les États ne parviennent pas à taxer les paradis fiscaux et les multinationales. Thomas Piketty leur répond qu’il faut faire preuve d’audace pour sauver notre modèle social européen fragile.
« Capital et idéologie », un nouveau best-seller ?
Le 12 septembre 2019, un nouveau livre de Thomas Piketty paraît, « Capital et Idéologie ». Suite de son œuvre précédente, « Le Capital au XXIe siècle », il entend élargir ses recherches au delà de l’Occident. Plus de 12 000 d’exemplaires sont vendus en à peine trois jours. Un record. Son livre, très attendu, est accueilli avec de nombreuses critiques élogieuses.
De la société trifonctionnelle du Moyen-Àge à notre société contemporaine « hyper-inégalitaire », Thomas Piketty démontre que la croissance économique ne tire pas ses origines du droit de propriété ou du progrès technique. A l’inverse, les initiatives de l’État dans les domaines de l’égalité et de l’éducation ont permis ce développement.
À travers son étude, il affirme que les inégalités sont avant tout idéologiques et politiques et non économiques ou technologiques. Ce que tout le monde penserait.
Une suggestion qui retient l’attention
Il en vient à proposer de sortir « de la sacralisation de la propriété privée »pour construire « une propriété sociale et temporaire ». Pour cela, il est nécessaire d’accorder plus de pouvoir de décisions aux salariés et d’interdire qu’une minorité accumule une trop grand capital sans l’investir.
Les inégalités existent à tous les niveaux, même si elles ne sont pas forcément perçues comme telles. Thomas Piketty s’assure dans « Capital et Idéologie »d’illustrer « la multiplicité des histoires qui se sont racontées la société » pour justifier ces inégalités.
Il est rare aujourd’hui de voir les travaux d’un économiste rencontrer un si grand succès populaire et international. Peut-être est-ce dû aux thématiques qui lui tiennent à cœur qui s’adressent à chacun et chacune d’entre nous ?
Lily Martins et Salomé Lopez
Questions pour le 13 novembre
-Au XIXe siècle, l’enrichissement provient essentiellement des mécanismes patrimoniaux et passait, également, par l’héritage. Ne prenons-nous pas un chemin identique?
-Espérez-vous, un jour l’application de vos propositions dans notre société?
-Que signifiez-vous par une société contemporaine « hyper-inégalitaire »? Existe-t-il plus d’inégalités qu’auparavant?
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