« Les populistes ont déjà gagné »

Projet : Fictions


De gauche à droite : Laurent Cohen-Tanigi, John-Paul Lepers, Gérard Bras, Marc Lazar ©Bertrand Gaudillère/Item

« Les populistes ont déjà gagné »

Invité à la conférence Qu’est-ce que le populisme ? dans le cadre du festival La Chose Publique, l’historien Marc Lazar est catégorique « d’une certaine manière, les populistes ont déjà gagné ». Quelles sont les raisons qui le poussent à se montrer aussi alarmiste ?

Invités à ses côtés, le philosophe Gérard Bras et l’avocat Laurent Cohen-Tanugi ont tout à tour donné leur avis sur une définition du populisme. Ce qui ressort est que le concept en lui-même est difficile à définir. Pour Laurent Cohen-Tanugi, il s’agit d’une relation directe entre le peuple et un leader. C’est pour lui un travestissement de la démocratie qui abolit les corps intermédiaires de la société civile.

 

L’ère de la « peuplocratie »

Le dernier livre de Marc Lazar paraîtra en français en début d’année prochaine

Marc Lazar est assez pessimiste sur la question du populisme. Dans son dernier livre, Popolocrazia : La metamorfosi delle nostre democrazie, écrit avec l’italien Ilvo Diamanti, il considère trois phases de la démocratie. Celle des parlements au XIXe siècle, celle des parlements et des partis politiques au XXe siècle, et celle du public à partir de la fin du XXe siècle. Il émet l’hypothèse d’une quatrième phase de la démocratie permise par le populisme : la ‘’popolocrazia’’ ou « peuplocratie ». Ce changement signifierait une victoire des populistes. Mais pourquoi ?

Marc Lazar voit le populisme non pas comme une idéologie à la manière du communisme, mais comme un style qui repose sur des croyances, dont deux en particulier : une temporalité de l’urgence, et une vision dichotomique du monde.

Selon lui, cette « peuplocratie » est permise par ce qu’il considère comme étant la démocratie immédiate. L’ère du numérique est le facteur d’une expression sans limite de la souveraineté et du pouvoir du peuple, via notamment les réseaux sociaux.

Mais ce n’est pas suffisant pour expliquer une victoire des populistes. Marc Lazar ne considère pas les populistes comme un virus responsable d’une pathologie de nos démocraties. En fait, c’est parce qu’il y a un réel problème dans celles-ci que cette vague populiste a pu se former. Et les populistes amènent avec eux sur le devant de la scène politique leurs thématiques, comme on le voit avec l’immigration et leur langage à base de vulgarités qui a imprégné le discours politique.

De gauche à droite : Laurent Cohen-Tanigi, John-Paul Lepers, Gérard Bras, Marc Lazar ©Bertrand Gaudillère/Item
De gauche à droite : Laurent Cohen-Tanigi, John-Paul Lepers, Gérard Bras, Marc Lazar ©Bertrand Gaudillère/Item

« Les populistes ont transformé notre façon de penser la démocratie »

Tous ces éléments font que Marc Lazar considère que les populistes ont déjà gagné.

« Ils ont d’une certaine manière transformé notre façon de penser la démocratie ».

Il relève que pour les battre, tous les autres hommes et femmes politiques sont obligés d’adopter leur style si particulier. Emmanuel Macron l’a fait en 2017, en proclamant la mort des partis traditionnels. Mais une partie de son électorat commence aujourd’hui à se rendre compte qu’il n’est pas à rupture avec l’ancien monde. C’est ce que Marc Lazar voit notamment dans le mouvement des « gilets jaunes » :

« Ils pensaient qu’il était « antisystème » mais il est en fait comme les autres ».

Marc Lazar note qu’Angela Merkel fait pour le moment figure d’exception.

Quels pourraient être les moyens de lutter dans cette bataille pour en inverser le cours ? Marc Lazar préconise de transformer les institutions de nos démocraties libérales pour intégrer plus de démocratie participative. Il est rejoint sur ce point par le philosophe Georges Bras. Celui-ci préconise de déployer au maximum une délibération publique en se détachant le plus possible du couple élite-peuple.

Marc Lazar conclut avec un chiffre : dans les enquêtes réalisées par le Centre de recherches internationales (CERI), environ un européen sur trois considère qu’il peut y avoir un autre système que la démocratie. Cette recherche d’un homme fort, classique d’une situation d’anomie, est constatée dans tous les pays, quelque soit le système institutionnel.

 

Retrouvez le podcast de la conférence :

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