Biographie
Natassja Martin, d’origine franco-italienne, est née en 1986 à Grenoble. Elle est anthropologue, diplômée de l’EHESS, spécialiste reconnue des peuples du Grand Nord. Son goût pour l’anthropologie lui est venu lors de son voyage et séjour en Namibie lorsqu’elle n’avait que 13 ans. Dès son enfance, les voyages lui ont forgé son caractère et lui ont permis de tisser des relations intenses avec la nature. L’Alaska deviendra le premier terrain de ses recherches ; à seulement 23 ans, elle part pour effectuer sa thèse de doctorat à la rencontre du peuple Gwich’in avec lequel elle partagera deux années de sa vie . A son retour, elle écrit un essai Les âmes sauvages, Face à l’Occident, la résistance d’un peuple d’Alaska (La Découverte, 2016), tiré de sa thèse dirigée par Philippe Descola ; c’est un témoignage fort des liens forgés dans les profondeurs du subarctique. Elle part quelques années plus tard à la rencontre du peuple des Evènes de l’autre côté du détroit de Béring, en Russie. Son deuxième livre, Croire aux fauves (Verticales, 2020), nous plonge d’emblée dans l’événement majeur de ce séjour, qui marquera la vie de N. Martin : sa rencontre avec un ours qui l’a attaquée, défigurée.
Critique
Les âmes sauvages sont les Gwich’in, peuple d’Alaska rencontré par l’anthropologue Nastassja Martin en 2011. Les Gwich’in sont des hommes différents, qui cherchent à se débattre face à un ennemi qui « hiérarchise le monde par gradients de beauté ». C’est l’histoire d’une terre brisée peuplée d’hommes que l’on a voulu mettre dans des cases. On entend le murmure des traditions qui se perdent dans la nuit du grand Nord et on reste sans voix face à ce peuple qui résiste depuis des siècles par la simple force de ses croyances et de ses rêves.
Dans ce voyage initiatique en terre Gwich’in, on découvre qu’il y a de nombreuses manières d’appréhender le monde, on y retrouve la mort, l’incertitude, toutes sortes de sentiments, de pratiques, se rire du monde ou s’en moquer. Nastassja Martin nous « raconte des rencontres ».
Le style de cet essai est, quant à lui, à la fois factuel, philosophique et poétique, de par la présence de nombreuses métaphores, ce qui rend la lecture agréable bien qu’elle puisse s’avérer difficile parfois. De plus, la richesse des détails nous permet de comprendre la pensée de l’auteure ainsi que le mode de vie des Gwich’in. Chacun des thèmes est enrichi d’aspects historiques et de contes locaux. Ce récit nous fait réfléchir à l’impact des Occidentaux sur ce peuple, car nous avons avant tout à faire à une critique de notre monde à travers la découverte d’un nouveau monde. Ici, il n’est en rien question de s’extraire totalement de sa culture pour en appréhender une nouvelle, mais juste suffisamment pour comprendre l’autre et en tirer des leçons sur notre propre existence. Un voyage unique, au sein d’un peuple qui l’est tout autant…